jeudi, décembre 15, 2005

Chapitre 5: Isla Cana


Chapitre 5: Mangrove, sable noir et...Tortuguitas: Isla Cana

Vas y mon petit Tortuguito ! Bats toi !! allez, encore quelques mètres, t’y est presque !! Grouilles toi (enfin…aussi vite que possible…j’imagine que c’est pas ta spécialité)…allez, hop une nageoire devant l’autre, voilaaaaa, comme ça ! il est 11 heures du soir, il fait un froid de canard sur la plage presque déserte, la larme coule dans un coin de l oeil, une dernière vague vient lécher le rivage et tortuguito nous quitte pour de nouvelles aventures.

Il faut dire que depuis qu’il a cassé la coquille de son oeuf, tortuguito, comme ses frères et soeurs, n’a pas été ménagé, d’abord je manque de lui marcher dessus, puis après il faut éviter les oiseaux (les gamins du village se chargent de les éloigner), les chiens, les crabes... et puis il faut courir (chaud pour une tortue) vers la mer...si j’en crois les explications du scientifique panaméen qui nous a permis de repérer le gisement de petites carapaces pas plus grosses qu’une pièce de 2 euros, d’où dépassent une tête minuscule et 4 nageoires miniatures, si je le crois donc, c’est arrivé dans la mer que les soucis commencent vraiment pour notre héros aquatique…hé ben ! çà fait peur pour la suite…

Presque 4 heures que nous arpentions la plage de long en large à la recherche d’une maman tortue pondeuse où d’un trou dans le sable noir d’où s’échapperaient quelques dizaines de mini turtles avec une seule idée en tête : la mer ou… la mort… 4 heures passées à s’extasier sur cette plage de 16 kilomètres de long, déserte, au sable grisâtre , à se demander si l’on aurait plus de chance de trouver des tortues vers la droite où la izquierda…mine de rien c’est épuisant de marcher comme çà dans le sable, surtout que la journée a été plutôt chargée une fois de plus. Mais, me direz vous, peut être faudrait il reprendre les choses depuis le début ? et moi de vous répondre : « pas con ! ». Allez, suivez moi, je ne voudrais pas vous perdre (dans le récit).

Levés aux aurores, cette fois nous étions bien décidés à ne pas rater le minibus. Après un dernier adieu à mamie hôtel et une dernière salve de remerciements d’avoir retrouvé le guide, nous embarquons. La veille a été plutôt calme et, pour une fois, nous sommes parfaitement réveillés pour apprécier le paysage : collines verdoyantes, rapide passage au milieu d’une forêt et puis à nouveau de grands pâturages escarpés sur lesquels broutent paisiblement des vaches de type « indiennes ». C’est assez inattendu de croiser ici ces paisibles herbivores avec leur bosse sur le dos. Le trajet Pedasi-Puerto Cana se déroule ainsi dans une ambiance champêtre, juste ralenti par les nombreux troupeaux que nous croisons sur la route. De fiers « gauchos » comme on dit en Argentine escortant les meutes de bêtes à corne, chevauchant crânement leur fier destrier. Louloute, dans un sursaut de lucidité préfère fermer sa fenêtre afin d’éviter l’expérience du torero transpercé d’un long coup de corne. C’est vrai que mine de rien, on est juste à portée d’une de ces armes naturelles.

Un petit tour par le village, histoire de déposer un jeune homme sans aucun doute expert en mécanique, si l’on en juge par les carcasses de voitures qui parsèment le jardin devant lequel nous le laissons et puis nous atteignons enfin notre destination… enfin… ce qui, selon toute vraisemblance est notre destination. Renseignements pris auprès du chauffeur, c’est bien là, au bord de ce cours d’eau boueux que nous devons attendre le bateau. Une jante munie d’un bon bout de métal sert de cloche pour appeler le bac qui nous conduira à l’isla Cana où les tortues viennent pondre chaque année à cette époque selon 1. le guide, 2. les dires de notre chauffeur sur le trajet Las Tablas- Pedasi (trajet de triste mémoire : c’est, effectivement, en en sortant que nous dûmes déplorer la disparition de notre guide bien aimé)… il pleut (pour changer), rien pour s’abriter à des kilomètres à la ronde, et le minibus est reparti depuis longtemps, nous laissant là à attendre un hypothétique bateau. Heureusement nous ne sommes pas seuls, outre 3 autres personnes, évidemment locales, les touristes sont rares dans le coin ; des crabes multicolores (noirs, rouge et oranges…on ne peut plus « rock n’ roll ») se planquent dans les recoins d’un tronc d’arbre, mort depuis bien longtemps, à notre passage.

Un maigre filet d’eau traverse la mangrove et tout n’est que boue, racines, verdure et pluie…et si le bac ne nous avait pas attendu ?, et si le taxi nous avait laissé là, au bout du monde, sans se soucier de notre sort ?…et si cet embarcadère désert n’était pas Puerto Cana, mais juste, comme il en a tout l’air, un espace abandonné au bout d’une piste sans fin où finissent, abandonnés, les touristes venus rencontrer ces braves animaux centenaires au péril de leur vie…

Nous nous renseignons auprès des autres voyageurs qui, eux aussi, attendent sous la pluie. Les réponses sont rassurantes mais nous avons appris à nous méfier de la notion du temps bien particulière que cultivent les panaméens. Le bac devrait arriver bientôt mais, qu’est ce à dire au juste ? tout de suite, dans deux minutes ? demain ? le mois prochain…bientôt…c’est plutôt vague..

Trouillards petits occidentaux que nous sommes ! La voilà enfin la barcasse que nous attendions tant ! On embarque, non sans mal, de la boue jusqu’aux genoux et c’est parti pour une petite heure de promenade dans la mangrove. Finalement nous débouchons sur une vaste étendue d’eau où l’on distingue, au loin Isla Cana. Sous les arches de verdure, nous nous renseignons sur les tortues : elles sont bien là, elles sont venues pondre il y a quelque temps et des centaines d’œufs n’attendent plus que nous pour éclore. Contrairement aux plages du Costa Rica où les touristes arrivent en masse pour assister à l’événement, nous sommes les seuls blancs à débarquer sur l’île.

On le savait déjà mais le Panama, est aussi touristique que le Costa Rica n’est…vierge d’américains en tongs. Une jeune « china » nous alpague à la descente du bateau. Elle a exactement le logement qu’il nous faut ! Las de passer des heures à la recherche d’un hôtel, nous sommes bien contents de faire sa connaissance et, de toutes façons, à en juger par la gueule du village, il ne doit pas y en avoir beaucoup d’autres. En fait d’hôtel, il s’agit plutôt d’une espèce de garage ouvert aux 4 vents, dans lequel on a disposé 3 lits doubles destinés à accueillir les chercheurs de tortues, les sanitaires sont des plus rudimentaires et…c’est vraiment crados. Pourtant on n’est pas vraiment du genre difficiles depuis le début. Mais là, on touche le fond (bah non, pas celui des dits sanitaires, vous imaginez bien que dans leur état ce ne serait pas une perspective des plus réjouissante !!).

Vous croyez que c’est çà qui va nous arrêter ? Cà va pas non ! Même si, j’en suis de plus en plus sûr, le but premier de ce détour sur notre route était d’aller rendre une petite visite à mamie gâteaux, on est quand même là pour voir des tortues et ils nous en faudrait plus que cette pièce lugubre pour nous freiner dans notre démarche…enfin…c’est vrai que ces 4 murs de bétons nus c’est glauque mais on est des aventuriers ou alors on reste peinard chez soi à regarder la Starac !!

Une bouteille d’eau, quelques pitis gâteaux secs et c’est parti pour la nuit !! On marche, on marche, rien…la nuit tombe, armés de notre seule mini lampe de poche, nous ne l’allumons que par intermittence, histoire de ne pas déranger celles que nous sommes venus observer en toute discrétion. La chance n’est pas avec nous mais, alors que nous sommes sur le point d’abandonner et de nous débrouiller pour rentrer à la seule lueur de la lune, quelqu’un au loin nous fais des signaux lumineux, nous accourons… elles sont là, toutes petites, ça grouille à la sortie du nid…pour la suite cf. ci-dessus.

Crissi et Beni (ainsi que nous appellent les panaméens) s en retourne se coucher un peu déçu de ne pas avoir vu de maman tortue (il parait qu’en cette saison, il peut parfois en débarquer plusieurs milliers sur la plage en une seule nuit) mais bien émus par toutes ces tortuguitas.... on s’était dit rendez vous dans 100 ans, même jour même heure, même plage....

Levés aux aurores (ouais, ouais comme tu dis : « pour changer »), on ne peut pas vraiment dire que la nuit nous aura permis de récupérer : j’ai du dormir 2 – 3 heures par intervalles, réveillés sans cesse par des questions du genre « mais qu’est ce qui peut bien me gratter comme ça », « p**** et si on choppait la gale ? », etc… etc… Chris, quant à elle a aussi réussi à dormir quelques minutes, justement au moment où je me posais ces questions existentielles, les seuls (moments) où je ne ronflais pas bruyamment pour exprimer ma joie de dormir enfin !






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