dimanche, décembre 25, 2005

Chapitre 3: El Valle de Anton

Chapitre 3: Volcan, Forêt tropicale humide et...pluie: El Valle de Anton

« Ohhh tu vas pas pinailler pour 2 dollars..oui mais dans le guide ils disaient que..de toutes façons elle est nulle cette piaule !! », évidemment passer en une journée du ciel bleu, de la brise maritime dans les palmiers, passer du paradis quoi, au cratère humide d’un volcan, ça fait un peu bizarre et ça tape quelque peu sur les nerfs.

Heureusement la douceur de vivre de l’endroit, le calme et la tranquillité, le charme des confortables maisons des panaméens aisés, poussent au repos. Alors oui, en effet, le doute n’est plus permis, on avait échappé à ça jusqu’à maintenant, mais il va falloir s’y faire, la saison des pluies elle n’a pas été inventée pour faire fuir les touristes qui auraient la curieuse idée de visiter le pays en octobre-novembre.

Est-ce pour autant que nos 2 héros vont se laisser abattre ?? Que nenni ! De toutes façons, faudrait pas trop voir non plus à nous prendre pour des truffes ! On avait prévu le coup et c’est pas peu fièrement armée de son plus beau K-Way multicolore que Louloute ouvre la marche dans les rues d’El Valle de Anton… et au pas de course en plus, histoire de se donner l’illusion que l’on passe entre les gouttes.

Très décontracté dans mon coupe vent soit disant imperméable je me contente de constater qu’il ne pleut déjà plus et que tout cela était bien passager. J’ai pas trop le temps de me perdre en réflexion parce qu’on pas que ça à faire, les pentes du cratère nous attendent et je vous assure que du bas de la cuvette, ça fait haut !! Enfin j’extrapole un peu pour vous en coller plein la vue parce qu’en fait, il est impossible d’en voir le sommet, perdu dans d’épais nuages blancs qu’il est.

Mais alors que j’en suis encore à me demander comment je pourrais bien vous faire comprendre la beauté des lieux par écrit, l’accident se produit ! A trop vouloir forcer l’allure pour être encore plus rapidement en haut, voilà Loulita victime d’une mauvaise chute…de trottoir ! Et les trottoirs au Panama, ils sont méchants : hauts, coupants, des évacuations d’eau large qui laisseraient passer un chien. Bref, la voila le temps d’une glissade retombée en enfance : paumes des mains arrachées, genoux constellés de petits gravillons...c’est pas joli-joli mais plus de peur que de mal finalement, l’ascension peut commencer.

Les enfants, qui traînent un peu partout dans les rues, dans leurs uniformes de classe (sooooo british), se font un plaisir de nous escorter jusqu’à la lisière de la forêt d’où part le sentier pour le sommet. C’est sous les cris, les rires et les pitreries que nous pénétrons dans la jungle touffue qui couvre le versant intérieur du cratère. C’est assez amusant de constater qu’ici, les palmiers et bananiers, déjà familiers, cohabitent avec de somptueux conifères qui, ma foi, bordent assez joliment la cascade que nous suivons et qui, à n’en point douter, doit dévaler depuis le sommet.

Quelle bonne idée de commencer la promenade en milieu de journée, il fait bien chaud, assez humide et après quelques virages avalés sur les chapeaux de roues, le chemin commence a sérieusement serpenter dans la forêt et à grimper sec. Nous longeons donc une cascade (si si je vous l’avais déjà dit, relisez le paragraphe ci-dessus si vous vous êtes perdu en cours de route, mais honnêtement çà m’étonnerai, il n’y a qu’a suivre le sentier), et tout n’est que profusion de petites fleurs rouges, blanches, arbres à fruits et plantes vertes dont j’aurai bien du mal à vous donner tous les noms.

Pour ma part, le paysage se résume de plus en plus à cailloux, bout de mes chaussures, coup d’œil furtif vers la miss virevoltante 10 mètres devant moi, puis re-cailloux. Au risque de filer un sacré mauvais coup à mon statut d’aventurier de l’extrême pourtant durement battis au fil des bus bondés et autres négociations du prix des chambres d’hôtel, je dois avouer que je suis un peu à la peine dans la montée….en plus il fait une chaleur.. !! Je tiens plus du Jalabert au short souillé que du Virenque au visage impassible. Tenir …tenir…tenir jusqu’en haut, c’est pas le moment de flancher…nan mais !! Quelques grandes gorgées d’eau devraient me permettre de raccrocher la roue…enfin la jambe, de ma décidément très en forme, compagne.


Les rayons du soleil percent dans la clairière à travers les orangers dont les fruits tapissent le chemin ; au loin, les bananiers déploient leurs larges feuilles comme un oiseau pécheur qui ferait sécher ses plumes au soleil toutes ailes déployées (rappelez vous bien de cet image édifiante, pas envie de la re-taper quand on en arrivera aux dits oiseaux pécheurs…rassurez vous c’est pas pour tout de suite. Interactivité dans le récit, c’est çà l’avenir…les « livres dont vous êtes le héros » l’avaient compris avant tout le monde, je les en remercie ici). Cette lumière, ce calme a peine couvert des chants toujours surprenant de divers volatiles invisibles et puis, incessant, mélodique, berçant, le bruit de l’eau qui rebondi de pierre en pierre. « Ce petit coin de nature est l’endroit idéal pour… » pas le temps de terminer, je le pressentais, l’eau, si goulûment avalée une minute plus tôt, fait le voyage en sens inverse imitant, dans un bel élan, la cascade toute proche. Je communie littéralement avec la nature...en harmonie.

Si Louloute avait eut droit, lors de sa chute, à l’arrivée empressée de deux flics panaméens motorisés (c'est-à-dire à deux sur la même moto avec un casque…pour la poignée d’accélérateur) vite rassurés par le « no problema » assuré et fier, la larme à l'oeil, qu’elle leur lança, mon traitement fut bien plus enviable, car c’est elle-même qui accourut à mon secours alors que j’essayais tant bien que mal de lui dissimuler mon malaise en l’invitant à s’extasier devant les merveilles de dame nature, « si si là bas, regarde bien c’est somptueux, je reste quelques instants à l’écart pour que tu puisses profiter en toute sérénité du spectacle, je te rejoins ma chérie ».

Plus nous approchons du sommet, plus les arbres à la cime perdue dans les nuages font place à l’herbe haute ; la forêt cède peu à peu aux parcelles cultivées et c’est dans un décor assez irréel baignant dans le blanc cotonneux des nuages accrochés au sommet du versant que nous atteignons tant bien que mal, pour moi, le sommet. Alors que nous nous posons 2 minutes pour admirer le cratère du volcan dans lequel est niché El Valle de Anton, admiration toute relative, puisqu’en fait on ne voit que les nuages ; alors donc que nous nous extasions d’être au dessus des nuages, la pluie recommence à tomber, et là je ne parle pas d’un petit crachin breton, mais bel et bien d’une franche averse. Nous décidons de redescendre, mais il pleut vraiment trop et les quelques feuilles de bananiers que nous trouvons se révèlent être un maigre abris, il faudrait trouver mieux…

Pour corser le tout, on est perdus ! C’est pas bien grave puisque de toutes façons tout porte à croire qu’il faut redescendre, mais impossible de retrouver le chemin par lequel nous sommes arrivés. Enfin, au détour…d’un nuage, nous débouchons sur une petite maison de paysan : ambiance irréelle que cette maisonnée en terre, au toit de palme, posée là, au milieu de nulle part au sommet du volcan. Il pleut averse et nous nous réfugions sous un bout de toit à coté de la cuisine. Enfin…quand je dis la cuisine, entendons nous bien, tout d’abord c’est une cuisine à ciel ouvert, une espèce de cuisine à l’américaine qui donnerait sur le jardin. Pour la vaisselle, c’est plutôt pratique, tout est posé en vrac sur une table et la pluie s’occupe du reste.

Dans la petite pièce derrière, les enfants se pressent autour du feu et nos mines déconfîtes par les événements évoqués précédemment les font bien rire. Nous reconnaissons la petite fille qui nous avait doublés, pieds nus pour ne pas user ses beaux souliers de classe, dans la montée. C’est donc là qu’elle habite ? et elle se tape l’ascension tous les jours…chapeau bas mademoiselle !! Quel contraste entre les confortables villas du bourg en contrebas avec leurs pelouses bien tondues, leur petit ruisseau savamment détourné pour passer juste entre l’arbre et la petite brouette si champêtre, et cette…hutte serais je tenté de dire…l’envers du décors une fois de plus…

Comme la pluie ne semble pas vraiment vouloir s’arrêter, nous repartons courageusement. La descente se fera en toboggan au milieu des flots de boues qui dévalent la pente, bizarrement, c’est encore bien plus éprouvant que la montée ! Un pas de travers, une pierre branlante et c’est la grande glissade direction la vallée !!

Nous rejoindrons finalement notre hôtel sous une pluie battante, croisant au passage la fanfare des enfants du village en grandes manœuvres pour la fête nationale. Le temps d’écouter 2 minutes de répétitions, nous nous prenons l’équivalent d’une année de précipitation bretonne sur le coin de la figure. Du coup la chambre tient plus du grand bassin olympique que du havre chaud et sec que nous rêvions de retrouver au retour : TShirt, chaussettes, pantalons et blousons « sèchent » dans un joyeux foutoir et toutes les chaises étant occupées du coup, il nous faut nous contenter du lit pour préparer (entre autre) le programme du lendemain.

Ouvrons, si vous le voulez bien, le Petit Futé du Panama (seul ouvrage disponible sur le pays en langue française). Je ne vous parle pas de disséquer un jeune bison afin de lire dans ses entrailles les prévisions de trafic routier sur le canal. Non ! Ouvrons donc le Petit Futé et lisons :
« Les chutes de …(faut que je recherche le nom), haute de 35 mètres offrent un spectacle blablabla blablabla » 35m ??? après 5 minutes de promenade dans la jungle escortés par notre jeune guide (nous reviendrons ultérieurement, au chapitre « travail des enfants, préoccupation de pays riche ? », sur ce point) la conclusion s’impose : à en juger par la chute d’eau et selon les lois de la proportion, je mesure 4m27 au bas mot et mon short devrait me servir de seyant caleçon…mon t-shirt de soutien gorge!!!

Bref, tout cela ressemble à s’y méprendre à une sombre arnaque à touristes mais bon…au moins il ne pleut pas…trop. Nous en profitons d’ailleurs pour aller faire un petit tour au marché d’artisanat du coin : typiquement local si j’en juge par le nombre de figurines, sculptures sur bois et autres que j’avais déjà croisés lors d’un précédent voyage au Pérou…mondialisation quand tu nous tiens !! Heureusement les fruits eux proviennent bien du pays et les gâteaux à la noix de coco et autres ananas sont délicieux. Tout comme la chiche de avena (plat typiquement local lui, qui ressemble fort à une bonne vieille bouillie d’avoine pour bébé) dont se goinfrera sans vergogne notre aventurière en KWay.

S’en suivra une ballade digestive de bon aloi qui nous permettra d’admirer une dernière fois les somptueuses villas nichées au cœur du cratère et puis c’est le départ vers de nouvelles aventures.
Un premier petit bus, serpentant au milieu des collines et s’arrêtant tous les 500m pour accueillir un écolier ou un courageux travailleur de retour au bercail, un charmant petit bus donc, nous amènera jusqu’à la panamericana ou nous espérons bien pouvoir embarquer pour Chitre, passage obligé pour rejoindre notre prochaine étape plus au sud.

Tranquillement installé sur le bord de l’autoroute transcontinentale un nouveau jeu commence : celui qui arrivera à lire le petit panneau posé sur le pare brise qui indique la destination des bus qui passent devant nous à toute vitesse. Santiago ? non, c’est pas vraiment notre direction, David ? non, ce sera pour plus tard…Panama Ciudad ? houlaaa, lui soit il a mit son panneau dans le mauvais sens, soit il ne roule pas dans le bon sens…c’est marrant comme jeu, ça occupe mais le temps passe et si nous voulons rejoindre Pedasi avant la nuit, ce serait bien qu’il ne tarde pas trop non plus notre chauffeur…et lui ? je vois pas ! attends…si c’est lui, c’est marqué !! Chitré ! Courres ! courres, je choppe les sacs ! Le chauffeur a du nous voir dans son rétroviseur et dans un crissement de pneu il arrête son véhicule sur le bord de la route. Comme dans un film nous courrons derrière, les chaussures de marche qui pendouillent des sacs nous forçant à avancer à coups de pieds dans le « culo ». Ereintés nous nous asseyons lourdement…3 heures de route pour récupérer de cet exploit digne de la chasse aux trésors.

Le voyage se fera sous le regard réprobateur des panaméens bien décidés à nous faire comprendre que, même en soute, il émane de nos fringues trempées de bien vilains fumets. C’est le moment de disparaître dans le guide et d’étudier la carte : de Chitré, nouveau bus pour Las Tablas puis re-bus pour Pedasi. A chaque changement le bus se fait plus petit et plus délabré, mais la règle d’or subsiste : si t’as personne d’assis sur tes genoux, c’est qu’il y a encore au moins une place dans le bus.

Nous arrivons de nuit à Pedasi, ambiance village de western : grande rue centrale déserte flanquée de petites maisons, étonnement bien entretenues pour le pays, de chaque coté. Après de longues heures de bus traversant des campagnes de plus en plus misérable, l’effet est assez saisissant : on se croirait à Disneyland (Paris of course) : pas un déchet par terre, pas un mur lépreux ou lézardé…tout est calme !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bravo pour le récit, je n'avais pas ri autant depuis longtemps.
De plus nous en tiendrons compte pour notre voyage programmé prochainement au Panama.