samedi, octobre 01, 2011

Alain Gaschet - Bootleg - Les flibustiers du disque (2010) - Se lit comme un roman, avec une petite larme de nostalgie au coin de l'oeil


Alain Gaschet - Bootleg - Les flibustiers du disque (2010)

Le 18 septembre 2009, Alain Gaschet, que l’on imagine difficilement, tout au cours de la lecture, sans son crochet à la main, sa jambe de bois et son foulard à tête de mort, a été condamné à un an de prison avec sursis. Son crime ? avoir, pendant des années, fait profiter les passionnés de musique d’enregistrements, certes illégaux, mais qui n’auraient jamais existés sans lui. Des concerts, des chutes de studios, des sessions qui n’auraient jamais du sortir, bref, tout ce que les maisons de disques n’ont jamais jugé nécéssaire de publier car n’interressant qu’un nombre très limité de fans et de collectionneurs.


La différence entre le bootleg et la contrefaçon, c’est tout le nœud du problème, toute l’importance de cette histoire racontée avec sobriété et talent par Alain Gaschet qui prend pour point de départ sa malheureuse expérience personnelle pour remonter tout le fil de cette industrie souterraine, ses codes, ses combines, ses figures légendaires, ses circuits mais, et avant tout serait on tenté de dire, ses personnalités hautes en couleurs, animées pour la plupart et jusqu’à récemment par la passion de la musique avant tout et la volonté de partager des trésors avec le plus grand nombre.

Car, comme se plait à l’expliquer très clairement l’auteur dans le livre, si la contrefaçon consiste à recopier intégralement un album disponible dans le commerce et à le revendre à un prix que le consommateur jugera enfin raisonnable, et que les maisons de disques qualifieront de proprement scandaleux pour leurs marges, si donc la contrefaçon n’est qu’une entreprise de copie parfaite jusqu’au livret, il en va tout autrement du bootleg. Bandes oubliées ressorties des archives où elles auraient bien failli disparaitre à tout jamais si personne n’avait eu le soucis de les exhumer ; concerts mythiques enregistrés par quelque petit malin équipé de son magnéto et son micro peint en noir pour être moins repérable, album sauvé in extremis d’un pilori auquel il était promis (cf le mythique Black Album de Prince) ; voilà bien le genre de documents sonores dont peuvent réver tous les fans d’un artiste qui, en bons fans, ont déjà tous les albums officiels du dit artiste. On voit donc bien que, loin d’empiéter sur les plates bandes des intatiables maisons de disque, les bootlegers ne font que vivre et partager leur passion à ceux qui ne peuvent se contenter du matériel en vente libre.

Vinyles aux coins coupés, stands de conventions du disque de province, disquaires qui en ont (sous le comptoir), etc…. tout amateur de musique qui un jour sera parti à la recherche du concert de Guns n’Roses à Vincennes en 92, d’un double live des Black Crowes featuring Jimmy Page (circa 92) ou d’un coffret 4CD de la tournée de U2, tout passionné quelle que soit sa génération se retrouvera à un moment ou un autre dans ce bouquin, émouvant et vivant. Car oui, au cœur du système et mieux placé que quiconque pour le raconter, au travers d’une série de portraits emblématiques, Alain Gaschet sait faire partager sa passion. Un dangereux terroriste de la propriété intellectuelle ? un financier du crime international dont revenus serviraient à financer le terrorisme le plus abject ? à qui veut on faire croire que ce genre de pirate puisse représenter un danger pour la société ? franchement… Quand on voit qu’aujourd’hui les maisons de disques elles memes, dans un soucis de grapiller le moindre centime tant qu’il en est encore temps, les maisons de disques, donc, n’hésitent plus à mettre sur le marché, de façon officielle, des bandes dont le pire des bootleggers n’aurait jamais voulu (jetez un coup d’œil aux dernieres « nouveautés » des Doors, en vente libre sur Amazon par exemple)....

A l’heure où n’importe qui peut, avec un simple téléphone portable, faire partager n’importe quel concert instantanément aux 4 coins de la planète, ce livre distille un évident parfum de nostalgie à ceux qui ont un jour ou l’autre jeté une oreille sur des bandes à peines audibles de leur groupe préféré. Quant aux autres, trop jeune pour avoir connu les temps glorieux des vinyles colorés et autres coffrets plus luxueux que les officiels, ils apprendront que mêmes certaines pochettes sentaient bon le do it yourself de fond de cave.

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